L’aménagement est un champ complexe, mais d’une importance indiscutable. Il faut sans cesse faire des choix et des concessions en fonction des paramètres que vous avez (environnement intérieur et extérieur, matériel disponible, nombre d’utilisatrices et d'utilisateurs, etc.). Ces décisions influeront forcément sur la pédagogie que vous mettez en œuvre.

Dans cet article

On ne soigne pas les personnes, on soigne l’environnement, les dispositifs, on structure l’espace et le temps.

Makarenko

Pourquoi ce livret ?

L’aménagement est l’une des clefs en éducation. Elle permet en effet de créer un environnement adéquat pour l’enfant afin de le mettre dans une démarche d’autonomie.
Ce livret a pour objectif d’être une aide pratique issue d’expériences de terrain, qui pourrait bien vous aider à créer vos aménagements.

L’aménagement peut être divisé en trois échelles :
Macroaménagements
Moyen-aménagements
Microaménagements

Ces trois échelles seront détaillées en fin de livret. Cependant, si vous n’êtes pas encore au clair avec l’aménagement, commencez par le microaménagement peut être une bonne idée.

Par ailleurs, trois échelles de temps différentes peuvent être distinguées :

L’aménagement permanent :
Celui qui est aménagé de manière permanente dans un lieu (ludothèque dans une structure d’accueil, salle poterie, bibliothèque, etc.)
Celui qui est aménagé afin qu’il soit permanent pour un séjour précis (salle de réveil permanente pour un séjour, coin Kapla permanent, etc.)
L’aménagement d’activité, tel que celui qui sera mis en œuvre avant une activité, qui durera le temps de l’activité, et qui sera rangé ensuite.
L’aménagement continu, tel que ceux qui se créeront pendant un stage, une colonie ou autre : l’affichage, le séchage, la cabane que les enfants feront, etc.

Notions de base

Organisez la ou les régies

La régie est l’espace dans lequel on dispose tout ce que l’enfant n’utilise qu’en présence d’une animatrice. La régie accueillera donc le matériel précieux ou fragile, inutilisable sans adulte, particulièrement dangereux, très très rarement utilisé, etc. La régie est également le lieu où est stocké le matériel supplémentaire qui sera sorti lorsqu’un matériel fongible à disposition sera épuisé.
Évidemment, la régie est différente en fonction du public, du contexte ou de la tranche d’âge. On mettra probablement des cutters en régie avec des enfants de 2 ans — car leur utilisation serait exceptionnelle —, alors qu’on les laissera plus facilement dans les aménagements autonomes avec des enfants de 6 ans.

Exemples de matériels qui peuvent se trouver en régie :
Matériel spécifique : ordinateur, projecteur, disqueuse…
Fongibles : papier, crayon, stylo, baguettes de bois, colle, etc.
Matériel en trop : ballons, chasubles, jeux de société en plusieurs exemplaires, etc.

Sachez être minimaliste

Afin de donner des repères clairs et compréhensibles, il faut que les aménagements soient sobres. Inutile de mettre des affiches partout et une incroyable décoration. Chaque affiche doit être claire et utile et un code couleur aide souvent au repérage.
Par ailleurs, il faut veiller à ne pas sortir du matériel superflu. Par exemple, il est inutile de sortir 20 paires de ciseaux pour un groupe de 12 enfants. Même si cela parait évident, cette erreur d’aménagement est assez courante. Mettez plutôt 8 paires de ciseaux en régie et 12 en aménagement autonome. Si vous pensez qu’il sera exceptionnel que les enfants soient à 12 à utiliser des ciseaux en même temps, mettez-en moins.

Ayez un soucis d’esthétique

De manière générale, un aménagement ayant de belles écritures, lisibles, de tailles différentes selon ce qu’elles transmettent, etc., sera plus efficace qu’un aménagement où les affichages sont brouillons et raturés. Les dessins facilement identifiables sont de très bons atouts. Les codes couleur, lorsqu’ils sont identifiables facilement — par exemple en respectant partout la même façon d’être présentés —, sont aussi plus efficients.

N’oubliez pas qu’un aménagement doit être capable de susciter l’envie d’être utilisé. Ainsi, un coin marionnette où le théâtre est à moitié branlant et constitué de tissus sales aura possiblement moins de succès que s’il est beau. Toutefois, acceptez qu’un aménagement évolue dans le temps : il est contreproductif de faire un bel aménagement si vous refusez qu’il soit potentiellement sali ou abimé. Si vous refusez que les enfants utilisent le théâtre de marionnettes en l’absence d’une animatrice, car vous avez peur qu’il soit abimé, alors il valait peut-être mieux construire un théâtre plus simple que les enfants auraient pu utiliser en autonomie.

Aussi, lorsque vous manquez de compétences pour faire quelque chose de « joli » (à prendre avec des pincettes, c’est un jugement arbitraire), pensez au paragraphe précédent concernant le minimalisme : mieux vaut un aménagement sobre et efficace qu’un aménagement surchargé de décoration nuisant à la compréhension de l’espace.

Veillez à vous adapter

Il s’agit de tenir compte de son public, son état de maturité, sa taille, son autonomie. Il s’agit aussi d’adapter ses aménagements au projet pédagogique, à la structure, au cadre, etc.

Même si vous avez bien réfléchi à l’aménagement de votre table matériel, si elle est trop haute pour les enfants, votre aménagement ne sera pas investi par elles et eux ! De la même manière, une affiche fixée pour une taille adulte ne sera probablement pas repéré par des enfants de petite taille : pensez à descendre vos affichages à hauteur des yeux des utilisatrices !

Soyez pratique

Si on dispose des pinceaux au bout d’une salle et que la table peinture est de l’autre côté, l’aménagement ne sera pas pratique : il oblige en effet les usagères à faire de nombreux déplacements. Si on dispose un coin séchage trop loin de la peinture, peu de personnes penseront à l’utiliser pour faire sécher leurs œuvres, et, pour celles qui iront, elles saliront probablement le sol lors du trajet !

Il est également utile de penser à laisser de l’espace autour des aménagements. Par exemple, un fauteuil juste devant la table de matériel empêchera le bon repérage et l’utilisation de ce matériel, et il ne sera peut-être pas utilisé de la semaine. Des chaises devant un espace vertical de peinture rendront moins attractif cet aménagement, alors qu’il est pourtant pratique pour cette activité.

Veillez à ce que chaque chose ait sa place

Les enfants doivent pouvoir trouver chaque objet : il est donc important de soi-même savoir où ils se trouvent. Ainsi, les crayons vont dans la boite à crayons, le scotch à l’emplacement du scotch, etc. Cela permettra à l’enfant d’être très autonome, car en plus de pouvoir trouver facilement le matériel, il ou elle saura où le ranger (plus de détails plus bas).

Par ailleurs, il faudra penser à aménager des espaces pour mettre les travaux finis, les travaux en cours, les séchages, etc.

Et cette logique s’applique également pour tout ce qui concerne la vie quotidienne : pensez à prévoir un espace pour ranger les sacs ou les habits sortis de la chambre peut s’avérer indispensable. Chaque rangement doit faire partie d’une organisation plus générale, et plusieurs méthodes peuvent s’articuler pour contribuer à cette organisation. Pensez-les !

Affichez les règles et consignes du lieu

Lorsqu’un aménagement nécessite de comprendre des règles ou consignes spécifiques afin qu’il soit utilisé correctement, veillez à ce qu’elles soient visibles et facilement compréhensibles par tout le monde (une animatrice ou une enfant entrant pour la première fois dans l’aménagement). Cela vous aidera à sanctionner adéquatement. Souvent, une découverte des espaces avec les enfants est très utile pour appréhender les différents fonctionnements qu’ils supposent.

Apercevez-vous du chaos et gérez-le

Si vous constatez qu’il demeure des choses chaotiques suite à l’usage de votre aménagement, c’est qu’il est possible de l’améliorer. Évaluez les choses et essayez de les comprendre, trouvez des emplacements pour ce qui n’est jamais rangé.
Si vous ne trouvez pas de solutions pour ce qu’il reste, il s’agit de canaliser le chaos. Il existe un outil de rangement collectif que l’on peut appeler la « boite à tornade ». Il s’agit de prendre une grande malle et de l’afficher comme boite à tornade. Dès que l’on ne sait pas où mettre quelque chose ou que l’on ne sait pas à qui ça appartient, on le met dans cette boite. Cela permet de ranger rapidement sans se faire court-circuiter par des questions insolubles de « où cette pile usée devrait se ranger ? ». De temps à autre ou pendant un gros rangement, on peut inviter les usagères à fouiller dans la boite à tornade pour identifier, reprendre et ranger d’éventuelles affaires à elles. Ensuite, on peut décider de trouver des emplacements pour ce qu’il reste dedans, de les archiver ou de les jeter.

Jetez, réparez

Il arrive assez souvent que des objets soient en fin de vie ou à réparer. Laisser des objets non fonctionnels dans un aménagement donne un double message. D’une part, que le matériel est en sale état et que rien ne fonctionne. D’autre part, qu’il n’est pas nécessaire de soigner ce qui est en bon état. Bref, prendre le réflexe de réparer, de mettre dans une zone de réparation en régie ou de jeter ce qui ne fonctionne plus et de donner aux enfants les moyens de le faire sont des actions qui participent à éviter ce problème. Créer une zone de réparation accessible permet d’entamer les réparations des objets avant qu’il ne soit trop tard.

Exemples d’organisations

  Organisation par PÔLES
Méthode Une zone par type d’activité.
Exemples Z1 : Activités manuelles.
Z2 : Peinture.
Z3 : Jeux en bois.
Avantages Environnement très clair et pratique.
Limites Nécessite beaucoup de place, privilégie moins les activités mélangeant différents genres.

  Organisation par FONCTIONS
Méthode Une zone par fonction.
Exemples Z1 : ce qui coupe (ciseaux, cutter, scies…).
Z2 : ce qui assemble (agrafes, colle, scotch…).
Z3 : ce qui trace (pinceaux, stylos, craies…).
Z4 : supports (papier, cartons, bois…).
Avantages Permet d’ouvrir l’activité sans la cantonner.
Permet beaucoup de liberté.
Prend moins de place.
Plus facile à ranger.
Limites Parfois, cette méthode concentre tout le matériel au même endroit.
Un peu moins clair que l’organisation par pôle.
Le matériel peut être loin des espaces de pratiques.

  Organisation par TABLES D’ACTIVITÉS
Méthode Une table par type d’activité contenant le matériel ainsi que l’espace de travail.
Exemples T1 : peinture (grande table « îlot », pinceaux, gouache…).
T2 : activité manuelle (cutter, ciseaux, carton…).
Avantages Permet d’avoir des tables autonomes.
Permet de diminuer les déplacements pendant l’activité.
Limites Restrictif, ne permet pas de disposer énormément de matériels.

  Organisation par KITS AUTONOMES
Méthode Des kits en x exemplaires sont disposés et rangés de manière à ce qu’on puisse les emporter en entier.
Exemples K1 : 3 pinceaux, 3 couleurs, une palette, un gobelet.
K2 : une scie, un marteau, deux serre-joints, de la colle, un pinceau, de la ficelle.
Avantages Permet de l’autonomie à des sous-groupes ou des individues.
Permet d’aménager une table de matériel pratique malgré sa distance avec les zones d’activités.
Limites Cantonne l’activité.
Pauvre en matériel.

  Organisation par COINS
Méthode Des coins rassemblent un type d’activité dans une salle ou une partie de salle.
Exemples C1 : le coin expression (une scène, un espace déguisement, un espace contes, un espace marionnettes…).
C2 : le coin arts plastiques (activités manuelles, peintures, fusain, etc.).
Avantages Permet de rassembler différentes activités dans le même espace.
Permet de diminuer les déplacements.
Permet de favoriser des ambiances dans ces coins.
Limites Difficile de faire cohabiter différentes activités dans un espace.
Crée des espaces relativement peu rassurants s’ils ne sont pas suffisamment bien aménagés.

  Organisation par GROUPES DE VIE
Méthode Chaque groupe dispose d’une salle ou une partie de salle.
Exemples G1, G2… par tranche d’âge.
G1, G2… par affinité.
G1, G2… par chambres/dortoirs.
Avantages Permet de créer des espaces rassurants.
Permet une mise en projet collectif.
Limites Diminue les possibilités d’activités et de projet individuels.

Toutes ces stratégies sont à mélanger en fonction du contexte. Par exemple, je peux faire un coin arts plastiques, dans lequel j’aménage un pôle peinture sur 2 tables avec des fonctions différentes et une table avec des kits autonomes, tout en disposant le papier (support) dans un espace à part.
Ou encore, je peux dédié une salle aux activités d’expression, dans laquelle j’aménage des coins différents (marionnettes, impro, contes…), un espace déguisement comportant des kits déguisements déplaçables hors de la salle.

Démarche pratique

Vous trouverez ci-dessous des démarches pratiques — non exhaustives — concernant chaque échelle d’aménagements des plus simples aux plus complexes… Cependant, il faut garder en tête qu’on travaille dans le sens inverse sur le terrain. Néanmoins, il vaut peut-être mieux approfondir ce qui est simple dans un premier temps, tout en s’initiant à ce qui l’est moins. La plupart du temps, les directrices se chargeront des macroaménagements et les animatrices ne devront réfléchir qu’aux micros et moyens-aménagements. Pour ces raisons, les macroaménagements ne seront abordés que brièvement.

Microaménagements

microaménagement
1.Sortez le matériel et choisissez ce que vous voulez mettre à disposition dans les aménagements permanents.

2.Constituez une régie avec le reste du matériel.

3.Choisissez du mobilier (tables, armoires, étagères, plaques de bois verticales avec des clous, cordes avec pinces à linge…) adapté à la taille de la salle et la taille des enfants.

4.Réfléchissez au type d’organisation que vous voulez utiliser et à comment les combiner. Si vous avez beaucoup de place, privilégiez l’organisation par pôle.

5.Préparez le mobilier et disposez votre matériel. Essayez d’espacer votre matériel.

6.Maintenant, il s’agit de mettre les points de repère, par exemple :
Sur les tables, fixez un papier kraft ou une nappe en papier à défaut. Disposez le matériel sur le papier et tracez le contour de ce que vous posez (ciseaux, agrafeuse…). Tracez le contour des boîtes dans lesquelles se trouve du matériel et écrivez le nombre disponible (boîte de 8 crayons, bocal de 20 pinceaux…). De cette manière, un inventaire visuel du matériel est fait et facilite le rangement.
Pour les étagères et tiroirs, de petites affiches à côté ou devant le matériel sont nécessaires (privilégiez les dessins lorsque c’est possible). Vous pouvez également fixer la photo de l’intérieur du tiroir si c’est facile de repérer le matériel.
Sur les plaques de bois, tracez les contours le long du matériel accroché.
Utilisez des codes couleur !
Pratiquez un affichage sobre pour indiquer les pôles, fonctions, etc. Utilisez beaucoup les icônes ou dessins, qui sont bien plus repérables que du texte.
Si nécessaire, mettez des modes d’emploi pour du matériel ou des kits autonomes.
N’oubliez pas d’aménager des espaces pour le séchage, les travaux en cours, les travaux finis, la récupération, les chutes de papier, etc.
Organisez l’aménagement pour qu’il s’adapte à la continuité des activités qu’il génère : préparez des espaces d’affichage (par exemple, corde avec des pinces à linge pour les peintures), des espaces « d’expositions », etc. Le reste sera naturellement investi par les enfants.

Moyen-aménagements

moyen-aménagement
1.Regardez l’espace que vous avez à disposition et pensez au nombre d’enfants qui fréquenteront le local.

2.Essayez d’envisager le nombre idéal pour pratiquer les activités en sous-groupe (par exemple : travail de la terre en individuel, scène de théâtre entre 4 et 8 personnes, petit coin conçu pour 1 à 5 personnes, etc.).

3.Démarrez la mise en place des différentes zones d’activités en tenant compte de ces nombres optimaux, mais laissez une marge de manœuvre.

4.Essayez de placer les zones d’activités le plus près possible du matériel nécessaire. Si une zone d’activité est vraiment éloignée de votre matériel, pensez soit à prévoir un aménagement matériel temporaire dans la zone d’activité, soit à prévoir des kits autonomes.

5.Simulez les activités et vérifiez qu’elles n’interfèrent pas entre elles, qu’on peut les exercer sans être gêné par les éventuels mouvements et déplacements… N’oubliez pas qu’il vaut mieux qu’il y ait moins d’activités qui se déroulent sans encombre, que l’inverse.

6.Organisez des repères par zone d’activités (si votre code couleur colle au code couleur de vos microaménagements, cela rendra les aménagements très compréhensibles).

Macroaménagements

macroaménagement
1.Réunissez les maximum d’informations : bâtiments et locaux mis à dispositions, nombre d’enfants présents et tranches d’âges, non négociables de la structure…

2.Tout en tenant compte des projets éducatif et pédagogique, réfléchissez à la disposition des pièces entre elles.

3.Rassemblez dans des espaces proches les salles par type d’ambiance.
Espaces d’activités (activités plastiques, bois…)
Espaces calmes (dortoir, coin doux, bibliothèque, espace contes, jeux de société…)
Espaces agités (jeux, babyfoot, ping-pong, etc.)

4.Essayez de ne jamais avoir une salle calme, à côté d’une salle qui risque d’être bruyante.

5.Attribuez des espaces aux groupes de vie.

6.Organisez les points de repère. Tout en gardant une cohérence avec les repères des micros et moyens-aménagements.