Nous prenons-nous parfois pour une cruche ? Tentons-nous de nous déverser au moindre contenant à proximité ? Pourquoi nous versons-nous, comment et en quelle quantité ? Ce texte explore la question du contenant et du contenu, et regarde avec esprit ce qu'il advient lorsqu'une bassine tente de se vider dans une tasse.

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Verser de l’eau

Parmi tous les objets, il y a les cruches. Les brocs, les carafes, les pichets, les pots à eau, etc. Tous ces mots qui désignent au fond la même chose : un gros truc creux qui peut contenir pas mal d’eau et en verser. J’ai choisi « cruche » de manière arbitraire. J’utilise en réalité le mot « broc », mais il ne sonnait pas correctement à mon goût.
Donc une cruche sert à verser de l’eau dans des verres. Ces derniers doivent être vides pour qu’il n’y ait pas de perte. La cruche doit être plus grosse qu’eux pour pouvoir verser de l’eau dans plusieurs verres.
Mais il y a une chose importante que beaucoup ont oubliée depuis : aucun verre n’est vide. Les verres n’ont jamais été vides très longtemps, et ils ont très vite contenu une certaine quantité d’eau. Sauf qu’une situation s’est instaurée comme dominante au fil du temps : une grande cruche, considérée comme pleine d’eau, a pour but de se déverser dans plusieurs verres considérés comme vides. Mais si les verres ne sont pas vides, alors il y a quelque chose que l’on a mal pensé. Supposons que verser de l’eau dans plusieurs contenants est ce que nous voulons garder et continuer.

Dans la situation qui m’intéresse, il y a une ou un petit nombre de cruches et beaucoup de verres. Si cette situation reste telle qu’elle est, un petit nombre de cruches se déversent dans beaucoup de verres remplis avec plus ou moins d’eau dedans. Dans cette situation, les verres sont donc destinés à finir par déborder au fur et à mesure que les cruches se déversent en eux ; et les cruches sont quant à elles destinées à devenir de plus en plus vides, ou à ne jamais être remplies.
Mais il nous faut être plus précis : les verres peuvent verser de l’eau tout autant que les cruches. Tout contenant peut se déverser dans un autre contenant. Mais si l’on ne veut pas que l’eau déborde de partout (ce qui peut ne pas être le cas, peut-être qu’ailleurs certains veulent que l’eau déborde de partout ?), alors il y a toujours un problème.
Si l’on veut que tous les contenants puissent contenir de l’eau sans déborder, il faut changer quelque chose. On pourrait par exemple questionner le choix du matériel. Si on considère que les cruches sont plus adaptées que les verres pour contenir plus d’eau et en verser sans en mettre partout, alors les verres ne pourraient-ils pas se changer en cruches ? Il n’y aurait donc plus que des cruches. Mais si certains verres ne souhaitent pas devenir des cruches, il faut les prendre en compte. Les verres peuvent recevoir un petit peu d’eau, et ils ne peuvent pas trop en verser sans qu’il y ait des pertes. Il arrive aussi que certains verres ou cruches décident de devenir des bassines, ils peuvent alors contenir beaucoup d’eau, mais ils ne peuvent pas la verser facilement. Tous ces cas sont possibles parce qu’il existe différentes envies chez les contenants. Recevoir un peu, verser partout, contenir beaucoup, ne pas verser du tout, etc. Il n’y a aucune raison d’empêcher ces situations d’exister.

Il arrive que certaines cruches ne se déversent pas beaucoup. Certaines même pas du tout. Mais alors, le fait de les voir comme des cruches nous incite à croire qu’elles ont envie de se déverser.
En tout cas, dans la situation que je voulais regarder plus en détail, des cruches se sont vidées un petit peu, et doucement. Elles ont laissé les verres d’eau se déverser selon de nouvelles règles qu’ils avaient décidées ensemble. Parmi les verres d’eau, beaucoup sont devenus des cruches. Ces nouvelles cruches se versent de l’eau mutuellement, comme bon leur semble.
L’intérêt de tout cela a été que tous les verres, cruches et autres contenants, ont été au même endroit pendant un temps, et qu’ils ont pensé et réfléchi de nouvelles manières de verser de l’eau. Que ce soit pour verser dans n’importe quoi, n’importe comment, ou alors pour verser dans un contenant en s’assurant qu’il ait envie se remplir, ou encore pour réussir à verser dans plusieurs choses en même temps. Mais surtout, ils ont établi la possibilité de se déverser dans plusieurs autres contenants, et de manières différentes. Ils ont essayé de varier les techniques pour verser tout ce liquide.

Cela ne signifie pas qu’il existe une combinaison qui soit la meilleure, et valable dans toutes les situations. En fonction du matériel et des particularités, les moyens changent et s’adaptent. Ça n’est d’ailleurs pas si grave de tester des techniques pour voir celles qui réussissent, celles qui ne marchent pas, celles qui ratent. Un ratage à un moment n’en est d’ailleurs pas forcément un plus tard. Il est même parfois nécessaire pour se rendre compte de pourquoi certaines situations sont particulières.
En tout cas, les contenants ont obtenu la possibilité de verser et de recevoir de n’importe quelle manière la quantité de liquide qu’ils souhaitent si ça leur chante.
Faut-il encore qu’ils aient une attention à ce qu’ils font de tout ça.