Yasmine, une jeune fille déterminée, veut parcourir le monde et devenir une guerrière. Ses parents voudraient qu’elle reste travailler à la ferme, mais sa décision de partir est prise. Commence alors une aventure dans laquelle elle fera toutes sortes de rencontres, surprenantes, amicales ou menaçantes... et qui bouleverseront sa vie.

Dans cet article

Ne pas avoir conscience de son ignorance, c’est continuer à cheminer dans les ténèbres.

Mouctar Keïta
Yasmine

Version « comme on l’écrit »

Chapitre 1 - Voie toute tracée

Il était une fois une jeune paysanne qui voulait devenir guerrière ou aventurière, elle ne savait pas trop… Ses parents refusaient de la laisser partir de la ferme familiale, car d’une part, ils avaient beaucoup trop de travail avec les bêtes à nourrir, le blé à semer, la farine à ramener du moulin… et puis d’autre part, le monde était beaucoup trop dangereux pour une jeune fille comme elle… Quand elle fut plus âgée, elle dit à ses parents qu’elle se sentait capable de décider pour elle-même et leur annonça qu’elle avait choisi de partir. Ils acceptèrent à contrecœur, en précisant que si elle changeait d’avis, elle pourrait tout de même revenir et reprendre les travaux à la ferme. Le lendemain, après de courts adieux, Yasmine les quitta pour emprunter le premier chemin venu.
Elle marchait depuis peu quand elle rencontra un chat, qui aurait pu être comme n’importe quel autre chat, si ce n’est qu’il marchait sur ses pattes arrière et qu’il portait des bottes.

« Bonjour. Je suis Yasmine et je suis une guerrière », dit-elle en guise de présentation. Le chat botté ne lui répondit pas tout de suite, mais l’évalua en la regardant de la tête aux pieds.
« Et tu es guerrière depuis quand ? », questionna le chat après un moment.
« Hum, depuis toujours je sens que j’en suis une, mais je suis partie de chez mes parents ce matin. »
Le chat l’inspecta à nouveau du regard et comme il s’ennuyait un peu, il se demanda s’il ne pouvait pas jouer un tour à cette jeune fille qui lui semblait bien naïve.
« Ah, mais il ne suffit pas de sentir qu’on est une guerrière, encore faut-il le vouloir suffisamment fort pour le devenir »
« Le vouloir ? », questionna Yasmine avec étonnement.
« Oui, reprit le chat botté ménageant son effet, quand on veut très fort quelque chose on finit par l’obtenir, assena-t-il. Je connais des aventuriers qui avant de le devenir passèrent tous par trois étapes, chacune attestant la force de leur volonté, et quand ils réussirent la troisième, ils se sentirent pleinement accomplis. »
Yasmine l’écoutait avec des yeux ronds :
« Tu veux dire que je ne suis pas encore une guerrière ? Que dois-je faire alors pour le devenir ? Quelles sont les trois étapes dont tu me parles ? »
« Tu es sur la bonne voie à mon avis, et comme tu me parais sympathique, je vais t’éclairer sur les trois étapes. D’abord, il te faut vouloir suffisamment fort pour que la foule te reconnaisse. Puis vouloir encore plus fort pour qu’un inconnu t’obéisse et enfin atteindre la volonté maximale afin de vaincre un ennemi. Continue ce chemin qui contourne la forêt il te mènera en un pays où tu pourras exercer et confirmer ta volonté d’être une guerrière. »
« Merci le chat, je sens déjà que ma volonté s’est renforcée », dit joyeusement Yasmine.
« De rien, fais bonne route… », répondit-il.

Le chat attendit qu’elle disparaisse avant de courir à travers la forêt pour la devancer. Une fois arrivé de l’autre côté de la forêt avec une bonne avance sur Yasmine qui elle, la contournait en marchant, il s’adressa à des paysans et paysannes qui travaillaient dans les champs.
« Holà braves gens. Savez-vous qui je suis ? »
Et comme les paysans le regardaient avec un air hébété, il ajouta : « Je suis le nouveau conseiller de votre roi et j’ai l’un de ses ordres à vous transmettre. »
À ces mots, les gens furent soudainement plus attentifs. Ils craignaient grandement leur roi qui était un ogre qui avait mauvaise réputation.
« Une jeune fille passera dans quelques heures, si elle s’arrête et vous demande si vous la reconnaissez, vous devrez lui répondre : “ Bien sûr, vous êtes Yasmine la guerrière ”. C’est un ordre du roi : est-ce clair ? »
Les paysans et paysannes hochèrent la tête vigoureusement, soulagés que l’ordre soit si facile à exécuter et retournèrent à leur besogne. Alors le chat botté continua sa route et arriva devant un château, celui du roi-ogre. Pour y entrer, il fallait passer une porte enchantée qui obéissait formellement au maître du château qu’elle gardait.
Quand elle perçut sa présence, la porte entama un discours qu’elle avait l’air de réciter : « Mon maître, le roi de ce château est le seul à qui j’obéis. Il m’a ordonné de ne m’ouvrir qu’aux personnes qui étaient intéressantes pour lui, alors dis-moi toi, pourquoi te laisserais-je entrer ? »
« Justement, lui dit le chat d’un air malicieux, je viens offrir mes services de conseiller à ton maître, et je n’attends aucune rétribution en retour, cela est donc dans son intérêt. »
La porte s’ouvrit, convaincue par les mots du chat.
« Tu verras bientôt arriver une jeune fille qui se présentera comme Yasmine la guerrière, si elle te donne un ordre, suis-le, car elle vient elle aussi servir ton maître. »
Puis, satisfait, le chat entra dans le château, se faufila dans la salle du trône où dormait le roi-ogre. Il en était maintenant sûr, tout était en place ; alors, il ressortit du château et disparut à la recherche d’un nouveau moyen de s’occuper.

Au même moment, Yasmine qui arrivait dans le pays du roi-ogre, aperçut les paysans qu’avait rencontrés le chat plus tôt et décida de tester sa volonté. « Holà braves gens ! Savez-vous qui je suis ? »
Les paysans se rappelant de ce que leur avait ordonné le chat botté s’empressèrent de répondre : « Bien sûr, vous êtes Yasmine la guerrière ! »
Yasmine arbora une mine satisfaite et reprit sa route un grand sourire aux lèvres. Elle avait atteint la première étape. Mais elle se reprit soudain, craignant que sa volonté ne diminue : il restait deux étapes à passer, il s’agissait de ne pas se déconcentrer.
Elle arriva ensuite devant la porte magique qui lui donna son discours habituel.
« Mon maître, le roi de ce château est le seul à qui j’obéis. Il m’a ordonné de ne m’ouvrir qu’aux personnes qui étaient intéressantes pour lui, alors dis-moi toi, pourquoi te laisserais-je entrer ? »
Yasmine trouva ce moment approprié pour vérifier si elle avait atteint la deuxième étape.
« Eh bien tu vas t’ouvrir parce que c’est moi, Yasmine la guerrière, qui te le demande. »
Alors la porte s’ouvrit, se rappelant de ce que le chat lui avait dit, et Yasmine entra, contente d’avoir réussi sa deuxième étape : se faire obéir d’un inconnu.
Arrivée dans la salle du trône, Yasmine s’éclaircit alors bruyamment la gorge, et le roi-ogre se réveilla.
« Qu’y a-t-il ? Qui es-tu ? Comment es-tu entrée ici ? », demanda ce dernier.
« Je suis Yasmine la guerrière et je viens te combattre. Tu es mon ennemi et le dernier rempart avant mon achèvement. Quand je t’aurai vaincu par ma volonté, je t’épargnerai peut-être si tu me supplies. »
Et sans plus de cérémonie, Yasmine fonça vers lui en criant et en agitant les poings. L’ogre hébété l’arrêta d’une seule main, la saisit par le col et la souleva sans effort.
« Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? », demanda-t-il à Yasmine qui pendait maintenant d’un air penaud entre ses mains.
« Ma volonté n’est pas assez forte apparemment… », dit Yasmine d’un air déçu.
« Quelle volonté ? », demanda l’ogre.
« Celle suffisante pour devenir une guerrière. Celle dont m’a parlé le chat botté », répondit Yasmine.

Le roi-ogre explosa de rire, un rire tonitruant qui fit trembler les murs. Puis comme il était meilleur que ce que l’on disait de lui, il raccompagna la jeune fille vers la sortie en lui donnant quelques explications. Selon lui, le chat botté était un malin capable de tromper les gens pour s’amuser et il avait dû jouer un tour à Yasmine. Il lui expliqua aussi qu’il ne pensait pas qu’il existait une recette pour être guerrière, et que les gens qui lui en donneraient une seraient probablement des imposteurs, tout comme le chat botté.
« Mais alors, comment vais-je devenir une guerrière ? »
« Je ne sais pas, lui dit l’ogre. C’est à toi de décider. Veux-tu vraiment devenir ce que les gens appellent une guerrière ? Pourquoi pas aventurière ou autre chose ? Et puis, as-tu besoin de devenir quelqu’un ? N’es-tu déjà pas quelqu’un ? »
« Quelle différence y a-t-il entre guerrière et aventurière ? »
« Guerrière veut dire que tu veux faire la guerre. Mais la guerre à qui ? Et pourquoi ? Si tu es partie de chez toi pour vivre autre chose sans vraiment savoir quoi, ce n’est pas forcément la guerre, tu pourras vivre des aventures auxquelles tu ne t’attendais pas puisque ce sont justement des aventures »
Yasmine resta seule avec ses doutes tandis que l’ogre retournait dans son château. Elle demeura pensive un moment puis repartit.

Elle marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit.

Chapitre 2 - Permis d’échouer

Au détour d’un chemin, elle rencontra une fée. Cela se voyait que c’était une fée, car elle avait des ailes dans le dos, une baguette magique à la main et un sourire malicieux sur le visage comme seules les fées en arborent. La fée de la colline, c’était ainsi qu’on l’appelait, lui dit qu’elle lui cèderait son diadème si Yasmine arrivait de l’autre côté de la colline avant elle. C’était une course. Yasmine ne savait que faire de ce diadème, mais accepta tout de même pour le défi. Après son erreur de la veille, une petite épreuve comme celle-ci lui semblait moins risquée que celle consistant à affronter un ogre. La fée donna le départ, Yasmine fonça à toutes jambes, contournant la colline par le sud. Elle sentait ses poumons la brûler comme jamais. Et tandis que la fatigue la gagnait, elle vit soudain une vieille dame malmenée par des gnomes, des diablotins de la forêt. Elle avait ralenti, hésitant quelque peu à abandonner sa course, mais elle finit par bifurquer pour lui porter secours : elle se rua vers le groupe en gesticulant et en poussant le cri le plus menaçant dont elle était capable… mais trébucha et s’étala. Malgré sa chute, les gnomes prirent la fuite. Après s’être relevée et assurée qu’ils étaient loin, notre aventurière se tourna vers la vieille dame. Elle l’aperçut un instant, mais un grand éclair blanc survint et l’éblouit : à la place de la vieille dame se trouvait maintenant la fée de la colline. Ébahie, Yasmine l’écouta lui expliquer que la course était une fausse épreuve et que le but réel consistait à venir en aide à quelqu’un qui en avait besoin. Yasmine reçut donc le diadème de la part de la fée qui lui apprit par la même occasion que c’était un diadème magique. Celui-ci permettait à la personne qui le portait de lire dans la pensée d’un interlocuteur par un simple regard. Yasmine remercia la fée, rangea le diadème dans sa sacoche et repartit…

Elle marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit vers de nouvelles aventures.

Chapitre 3 - Réussite biaisée

Elle cheminait depuis le lever du soleil quand elle se retrouva soudain nez à nez avec un sphinx. C’était une créature dotée d’un corps de chat, d’une tête de femme et d’ailes d’oiseau. Il posait des énigmes aux voyageurs et les récompensait si ceux-ci trouvaient la bonne réponse.

Le sphinx lui posa donc son énigme :
« Quel animal marche à quatre pattes le matin, deux pattes le midi et trois pattes le soir ? »
Yasmine réfléchit et imagina une solution, mais elle n’était pas sûre de vouloir la proposer, car, lorsque l’on donnait une mauvaise réponse au sphinx, celui-ci devenait féroce et attaquait sans pitié celui qui s’était trompé. Elle allait abandonner quand elle se souvint qu’elle pouvait utiliser le diadème. Elle le mit sur sa tête, fixa le sphinx du regard qui resta de marbre devant l’attitude pourtant étrange de Yasmine ; il attendait une réponse. À la surprise de Yasmine, elle entendit les pensées de la créature qui résonnaient dans sa tête : « Ah ah ! Jamais elle ne devinera que c’est l’homme la réponse, car étant bébé il marche à quatre pattes, adulte sur ses jambes et vieux à l’aide d’une canne. Héhé ! » Yasmine, confiante, lui donna la bonne réponse. Le sphinx, ébahi, fouilla dans ses plumes pour chercher l’objet magique qui la récompenserait : une bague d’invisibilité. Cet anneau permettait à la personne qui le portait de pouvoir se rendre invisible aux yeux de tous. Yasmine voulut remercier le Sphinx, mais celui-ci s’envolait déjà vers d’autres voyageurs à défier, alors…

Yasmine marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit vers de nouvelles aventures.

Chapitre 4 - Contrat d’hostilité

Dès son réveil, elle se rendit compte que l’arbre dans lequel elle avait dormi cette fois-ci était le dernier avant des heures de marches. En effet, le chemin qu’elle suivait jusqu’à présent serpentait plus loin dans une plaine rocheuse où les seules traces de végétation étaient de tristes arbres carbonisés. Le lieu paraissait hostile : on avait comme l’impression qu’un incendie avait récemment ravagé la plaine de ses flammes ardentes.
Alors qu’elle avançait désormais prudemment, elle entendit un rugissement qui lui glaça le sang. Elle plongea une main tremblante dans sa poche, sortit la bague d’invisibilité et l’enfila précipitamment. Elle venait à peine de terminer son geste qu’une ombre gigantesque la survola. Elle sentit une bourrasque de vent faire voler ses cheveux, mais comme elle était invisible elle parvint à garder la tête froide. L’ombre gigantesque la dépassa et se posa tout près d’elle en faisant trembler le sol. Yasmine identifia alors la silhouette. On lui avait déjà parlé de ce monstre dans son village natal ; c’était un dragon gigantesque et sans pitié. Yasmine ne bougeait pas et essayait de contrôler sa respiration quand une voix résonna soudainement ! « Bonjour inconnue, même si tu es invisible je te sens, je t’entends respirer. Je sens ton souffle. Où es-tu ? Où es-tu ?! Voyons, ne crains rien. Entre dans la lumière. »
Le dragon parlait… et savait qu’elle était là !
« Qu’es-tu venue faire ici ? »
Yasmine avala sa salive, rassembla son courage et répondit d’une voix qui tremblait un peu  :
« Je voulais seulement contempler votre majesté. Pour voir si vous étiez vraiment aussi grand que le disent les récits. Je ne les croyais pas. »
« Eh bien tu peux l’apprécier par toi-même à présent, reprit le dragon en écartant les ailes et en se dressant fièrement. Mes crocs sont des épées. Mes griffes des lances. Mes ailes un ouragan ! »
« Votre réputation vous précède, Ô ombre tyrannique ! En vérité, vous n’avez pas votre égal sur cette terre », clama Yasmine.
Tandis qu’elle continuait ses flatteries, elle s’approchait du dragon pour mieux le contempler. Les dragons avaient des pouvoirs magiques très puissants et leurs écailles d’un mètre de long repoussaient tout ce qui les frappait ; lames, pointes et sortilèges ! Yasmine ne savait que faire, mais le dragon s’encensait maintenant lui-même et parlait seul. Il semblait avoir oublié Yasmine, mais il s’adressa soudain à elle.
« Mais de toute façon tu vas périr petit être invisible, qui que tu sois, je n’autorise personne à se rendre sur mes terres, un trésor y est caché et je ne veux pas prendre le risque que tu le trouves »
« Mais je peux repartir par où je suis venue votre grandeur. Ainsi, votre trésor et moi-même serons saufs », tenta Yasmine.
« N’essaye pas de m’avoir petit être invisible, tu as la capacité d’être très discret donc même si je t’ai repéré cette fois, tu pourrais revenir et être plus chanceux. Mais comme je t’apprécie, je te donne le choix de mourir par mes griffes, par mes crocs ou par mes flammes. »
Yasmine faillit s’évanouir, mais se ressaisit en réfléchissant à une solution tout en essayant de gagner du temps.
« Laissez-moi y penser un instant… », lui dit-elle.

C’est alors qu’elle vit la faille… une écaille qui était légèrement détachée, juste à la base de la queue. Elle élabora rapidement un plan dans sa tête. Puis, résignée, elle s’avança jusqu’au dragon, prit l’écaille à deux mains et tira de toutes ses forces. L’écaille céda et le dragon hurla de douleur. Yasmine courut alors aussi vite qu’elle pouvait en serrant l’écaille contre elle. Elle entendit le dragon prendre une grande inspiration dans un souffle rauque. Comprenant ce qui allait se passer, Yasmine se retourna, s’accroupit et se protégea derrière l’écaille. Le dragon souffla, et un torrent de feu jaillit des bords de l’écaille, mais derrière, Yasmine était protégée. Quand la tempête de feu fut passée, elle se remit debout et reprit sa course, son écaille serrée sur sa poitrine. Une fois suffisamment éloignée, elle se reposa et reprit sa respiration. Le dragon ne l’avait pas retrouvée. Elle prit alors le temps de contempler ce que personne n’avait jamais possédé : une écaille de dragon. Pourtant très grande, elle était très légère, et reflétait la lumière comme un miroir. Connaissant sa solidité et ses propriétés magiques Yasmine décida de l’utiliser désormais comme un bouclier. Elle trouva des plantes ligneuses et de la sève d’arbre et se fabriqua une poignée. Fière de son travail, elle mit ce nouveau bouclier sur son dos et se remit en chemin.

Elle marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit vers de nouvelles aventures.

Chapitre 5 - Préjugés questionnés

Elle arriva devant une grande plaine balayée par les vents, où l’herbe verte et grasse dansait au rythme des bourrasques. Plus loin, devant elle, d’énormes rochers gris se dressaient, comme s’ils étaient les gardiens de ce territoire. Elle avançait sur ses gardes, enfilant une nouvelle fois sa bague d’invisibilité, car ces rochers lui rappelaient une histoire qu’on racontait dans son village. Méduse, une des trois Gorgones, vivait dans un lieu ressemblant à celui-ci. Les Gorgones étaient des monstres à l’apparence humaine avec des serpents à la place des cheveux. Elles étaient trois dans le monde, mais Méduse était la seule à posséder un pouvoir spécial ; celui de pétrifier du regard, c’est-à-dire de transformer en pierre toute personne qu’elle regardait dans les yeux.
Et en effet, tandis qu’elle arrivait près des rochers, elle s’aperçut que certains représentaient des chevaliers comme figés dans une posture héroïque, l’épée brandie en l’air, comme prêts à frapper un ennemi qui n’était pas là. Yasmine marchait maintenant le plus silencieusement qu’elle pouvait, mais elle s’attendait tellement à voir Méduse surgir de nulle part qu’elle ne vit pas une branche sèche, qui craqua bruyamment lorsqu’elle mit le pied dessus.
« Qui est là ? », demanda Méduse dont les yeux jaunes brillaient de son pouvoir pétrifiant. Yasmine qui ne craignait rien puisqu’elle était invisible lui dit :
« Tu ne peux rien contre moi, je suis invisible et je peux même te pétrifier grâce à mon bouclier. »
Mais à son grand étonnement, Méduse se montra plus intriguée qu’apeurée.
« Mais qui es-tu ? Tu es venue pour me tuer ? Comme tous les autres ? », demanda-t-elle.
« Oui, enfin… non… Je ne sais pas. Je pense que oui, car tu es un monstre et je suis Yasmine, une guerrière ! Donc je dois te tuer », répondit-elle très déstabilisée.
« Pourquoi ? », demanda Méduse.
« Je ne sais pas, c’est comme ça depuis toujours. Enfin… En fait, je t’avoue que je ne me suis pas posée la question… Parce que tu es une méchante, je dirais », dit Yasmine hésitante.
« À cause de mon pouvoir ? Mais je n’y suis pour rien, tu sais. Je suis née comme ça. Quand j’étais enfant déjà les gens dont je croisais le regard devenaient tristes et plus faibles. Ils mettaient des jours à retrouver leur énergie. En grandissant, mon pouvoir s’est renforcé et je me suis fait chasser de ma communauté. Je suis alors venue vivre seule ici loin de tous, mais des hommes qui voulaient prouver leur bravoure tentèrent de m’anéantir. Tous périrent, pétrifiés, car il leur était impossible d’occire quelqu’un qu’ils ne voyaient pas. »
« Mais moi je te vois », dit Yasmine.
« Oui, dit Méduse, et tu es d’ailleurs la première personne à qui je parle depuis des années. »
Yasmine était pensive.
« N’y a-t-il pas un moyen de t’aider ? Si je te donnais ma bague et que tu devenais invisible, comme il serait impossible de « croiser ton regard », peut-être que ton pouvoir serait neutralisé ? »
« Probablement, mais tu perdrais toi-même un formidable pouvoir, celui d’être invisible… », dit Méduse.
« … et en plus je serai à ta merci, continua Yasmine, mais cela vaut le coup d’essayer. Quand tu l’auras enfilée, vérifie en te regardant dans mon bouclier, mais attention, si ton pouvoir n’est pas neutralisé, tu te transformeras toi-même en pierre. »

Yasmine ferma les yeux, enleva sa bague, la tendit devant elle. Elle sentit Méduse la saisir puis elle attendit un peu.
« Tu peux ouvrir les yeux Yasmine », dit Méduse après un moment. Yasmine ouvrit les yeux, ne vit rien et ne fut pas non plus changée en pierre.
« Ça fonctionne ! », s’exclama-t-elle.
« Merci beaucoup, dit Méduse, je peux la garder ? »
Yasmine accepta sans hésiter, puis elles se dirent au revoir. En s’éloignant, Yasmine songea qu’elle avait beaucoup moins qu’avant la volonté d’être une « guerrière », mais qu’elle ne s’en sentait pas moins forte pour autant. Elle avait beaucoup appris durant ses aventures et elle sentait qu’elle ne voulait pas s’arrêter là…

Elle marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit vers de nouvelles aventures.

Chapitre 6 - Idées repensées

Elle parcourut encore de nombreux pays, affrontant toute sorte d’épreuves plus difficiles les unes que les autres. Aux détours des chemins, elle croisa de nombreux guerriers qui furent surpris de ses exploits et certains, trop fiers, pensaient d’un air dédaigneux que ce n’était « qu’une fillette qui avait eu de la chance ». Elle encouragea également des jeunes filles qu’elle rencontrait à choisir leur voie : de la même manière qu’elle avait voulu devenir guerrière, certaines voulaient devenir tanneuse, bijoutière, forgeronne ou tout autre métier, alors que leurs parents les destinaient à devenir paysannes. Tout comme ceux de Yasmine, lorsqu’elle n’était pas encore aventurière.

La renommée de Yasmine grandissant de jour en jour, le roi le plus puissant de cette époque la fit appeler pour une audience en tête à tête dans la salle du trône. Jusqu’à ce jour, très peu de femmes avaient vécu des aventures telles que celles qu’avait vécues Yasmine. Mais les choses allaient changer : le roi voulut accorder à Yasmine à titre d’exception le rang de chevalier. C’était un titre honorifique qui offrait une reconnaissance à ceux qui avaient agi avec bravoure. C’était pour lui l’occasion de renforcer son image en montrant à son peuple qu’il avait pris part aux exploits de la jeune aventurière.
Yasmine ne consentit pas aussi facilement : ne voulant pas être un simple trophée, elle accepta à la condition qu’il s’engage à ouvrir ce droit à d’autres femmes qu’elle. Le roi accepta et elle devint la première chevalière du royaume. Elle accompagna de nombreux aventuriers et aventurières en leur montrant que tous les monstres n’étaient pas sanguinaires et que certains comme Méduse n’étaient en fait pas « méchants », mais juste différents et incompris.
Yasmine finit alors sa vie dans un petit village, celui où vivait méduse, car elles étaient devenues amies avec le temps. Elle passait son temps à cultiver la terre la journée, mais le soir venu, elle racontait toutes ses aventures aux gens du village. Ceux-ci, comme vous maintenant, l’écoutaient avec enthousiasme parler de dragons et de gobelins avant de s’endormir paisiblement en pensant qu’ils n’avaient rien à craindre, car Yasmine veillait sur eux.

Yasmine veille

Version « comme on le dit »

Yasmine encore à la ferme

Première aventure

Il était une fois une jeune paysanne qui voulait devenir guerrière ou aventurière, elle ne savait pas trop… Ses parents refusaient de la laisser partir de la ferme familiale, car d’une part, ils avaient beaucoup trop de travail avec les bêtes à nourrir, le blé à semer, la farine à ramener du moulin… et puis d’autre part, le monde était beaucoup trop dangereux pour une jeune fille comme elle… Quand elle fut plus âgée, elle dit à ses parents qu’elle se sentait capable de décider pour elle-même et leur annonça qu’elle avait choisi de partir. Ils acceptèrent à contrecœur, en précisant que si elle changeait d’avis, elle pourrait tout de même revenir et reprendre les travaux à la ferme. Le lendemain, après de courts adieux, Yasmine les quitta pour emprunter le premier chemin venu.

Elle marchait depuis peu quand elle rencontra un chat, qui aurait pu être comme n’importe quel autre chat, si ce n’est qu’il marchait sur ses pattes arrière et qu’il portait des bottes.

Yasmine « Bonjour. Je suis Yasmine et je suis une guerrière. »

Chat « Et tu es guerrière depuis quand ? »

Yasmine « Hum, depuis toujours je sens que j’en suis une, mais je suis partie de chez mes parents ce matin. »

Chat « Ah, mais il ne suffit pas de sentir qu’on est une guerrière, encore faut-il le vouloir suffisamment, fort pour en devenir. »

Yasmine « Le vouloir ? »

Chat « Oui, quand on veut très fort quelque chose on finit par l’obtenir assena-t-il. Je connais des aventuriers qui avant de le devenir passèrent tous par trois étapes, chacune attestant la force de leur volonté, et quand ils réussirent la troisième, ils se sentirent pleinement accomplis. »

Yasmine « Tu veux dire que je ne suis pas encore une guerrière ? Que dois-je faire alors pour le devenir ? Quelles sont les trois étapes dont tu me parles ? »

Chat « Tu es sur la bonne voie à mon avis, et comme tu me parais sympathique, je vais t’éclairer sur les trois étapes. D’abord, il te faut vouloir suffisamment fort pour que la foule te reconnaisse. Puis vouloir encore plus fort pour qu’un inconnu t’obéisse et enfin atteindre la volonté maximale afin de vaincre un ennemi. Continue ce chemin qui contourne la forêt il te mènera en un pays où tu pourras exercer et confirmer ta volonté d’être une guerrière. »

Yasmine « Merci le chat, je sens déjà que ma volonté s’est renforcée. »

Chat « De rien, fait bonne route… »

Le chat attendit qu’elle disparaisse avant de courir à travers la forêt pour la devancer. Une fois arrivé de l’autre côté de la forêt avec une bonne avance sur Yasmine qui elle, la contournait en marchant, il s’adressa à des paysans et paysannes qui travaillaient dans les champs.

Chat « Holà braves gens, savez-vous qui je suis ? »

Et comme les paysans le regardaient avec un air hébété, il ajouta :

Chat « Je suis le nouveau conseiller de votre roi, et je viens vous transmettre un ordre de sa part. »

À ces mots, les gens furent soudainement plus attentifs. Ils craignaient grandement leur roi qui était un ogre qui avait mauvaise réputation.

Chat « Une jeune fille passera dans quelques heures, si elle s’arrête et vous demande si vous la reconnaissez, vous devrez lui répondre : “Bien sûr, vous êtes Yasmine la guerrière”. C’est un ordre du roi : est-ce clair ? »

Les paysans et paysannes hochèrent la tête vigoureusement, soulagés que l’ordre soit si facile à exécuter et retournèrent à leur besogne. Alors le chat botté continua sa route et arriva devant un château, celui du roi-ogre. Pour y entrer, il fallait passer une porte enchantée qui obéissait formellement au maître du château qu’elle gardait.

Porte « Mon maître, le roi de ce château est le seul à qui j’obéis. Il m’a ordonné de ne m’ouvrir qu’aux personnes qui étaient intéressantes pour lui, alors dis-moi toi, pourquoi te laisserais-je entrer ? »

Chat « Justement, lui dit le chat d’un air malicieux, je viens offrir mes services de conseiller à ton maître, et je n’attends aucune rétribution en retour, cela est donc dans son intérêt. »

La porte s’ouvrit, convaincue par les mots du chat.

Chat « Tu verras bientôt arriver une jeune fille qui se présentera comme Yasmine la guerrière, si elle te donne un ordre, suis-le, car elle vient elle aussi servir ton maître. »

Puis, satisfait, le chat entra dans le château, se faufila dans la salle du trône où dormait le roi-ogre. Il en était maintenant sûr, tout était en place ; alors, il ressortit du château et disparut à la recherche d’un nouveau moyen de s’occuper.
Au même moment, Yasmine qui arrivait dans le pays du roi-ogre, aperçut les paysans qu’avait rencontrés le chat plus tôt et décida de tester sa volonté.

Yasmine « Holà braves gens ! Savez-vous qui je suis ? »

Paysans « Bien sûr, vous êtes Yasmine la guerrière ! »

Yasmine arbora une mine satisfaite et reprit sa route un grand sourire aux lèvres. Elle avait atteint la première étape. Mais elle se reprit soudain, craignant que sa volonté ne diminue : il restait deux étapes à passer, il s’agissait de ne pas se déconcentrer.
Elle arriva ensuite devant la porte magique qui lui donna son discours habituel.

Porte « Mon maître, le roi de ce château est le seul à qui j’obéis. Il m’a ordonné de ne m’ouvrir qu’aux personnes qui étaient intéressantes pour lui, alors dis-moi toi, pourquoi te laisserais-je entrer ? »

Yasmine trouva ce moment approprié pour vérifier si elle avait atteint la deuxième étape.

Yasmine « Eh bien tu vas t’ouvrir parce que c’est moi, Yasmine la guerrière, qui te le demande. »

Alors la porte s’ouvrit, se rappelant de ce que le chat lui avait dit, et Yasmine entra, contente d’avoir réussi sa deuxième étape : se faire obéir d’un inconnu.
Arrivée dans la salle du trône, Yasmine s’éclaircit alors bruyamment la gorge, et le roi-ogre se réveilla.

Roi Ogre « Qu’y a-t-il ? Qui es-tu ? Comment es-tu entrée ici ? »

Yasmine « Je suis Yasmine la guerrière et je viens te combattre. Tu es mon ennemi et le dernier rempart avant mon achèvement. Quand je t’aurai vaincu par ma volonté, je t’épargnerai peut-être si tu me supplies. »

Et sans plus de cérémonie, Yasmine fonça vers lui en criant et en agitant les poings. L’ogre hébété l’arrêta d’une seule main, la saisit par le col et la souleva sans effort.

Roi Ogre « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »

Yasmine pendait maintenant d’un air penaud entre ses mains.

Yasmine et le Roi Ogre
Yasmine « Ma volonté n’est pas assez forte apparemment… »

Roi Ogre « Quelle volonté ? »

Yasmine « Celle suffisante pour devenir une guerrière. Celle dont m’a parlé le chat botté. »

Le roi-ogre explosa de rire, un rire tonitruant qui fit trembler les murs. Puis comme il était meilleur que ce que l’on disait de lui, il raccompagna la jeune fille vers la sortie en lui donnant quelques explications. Selon lui, le chat botté était un malin capable de tromper les gens pour s’amuser et il avait dû jouer un tour à Yasmine. Il lui expliqua aussi qu’il ne pensait pas qu’il existait une recette pour être guerrière et que les gens qui lui en donneraient une seraient probablement des imposteurs, tout comme le chat botté.

Yasmine « Mais alors comment, vais-je devenir une guerrière ? »

Roi Ogre « Je ne sais pas lui dit l’ogre c’est à toi de décider. Veux-tu vraiment devenir ce que les gens appellent une guerrière ? Pourquoi pas aventurière ou autre chose ? Et puis, as-tu besoin de devenir quelqu’un ? N’es-tu déjà pas quelqu’un ? »

Yasmine « Quelle différence y a-t-il entre guerrière et aventurière ? »

Roi Ogre « Guerrière veut dire que tu veux faire la guerre. Mais la guerre à qui ? Et pourquoi ? Si tu es partie de chez toi pour vivre autre chose sans vraiment savoir quoi, ce n’est pas forcément la guerre, tu pourras vivre des aventures auxquelles tu ne t’attendais pas puisque ce sont justement des aventures. »
Yasmine raccompagnée
Yasmine resta seule avec ses doutes tandis que l’ogre retournait dans son château. Elle demeura pensive un moment puis repartit.

Elle marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit.

Deuxième aventure

Au détour d’un chemin, elle rencontra une fée. Cela se voyait que c’était une fée, car elle avait des ailes dans le dos, une baguette magique à la main et un sourire malicieux sur le visage comme seules les fées en arborent.

Fée « Je m’appelle la fée de la colline et je te cèderai mon diadème si tu arrives de l’autre côté de cette colline avant moi. »
Yasmine et la fée de la colline
C’était une course. Yasmine ne savait que faire de ce diadème, mais accepta tout de même pour le défi. Après son erreur de la veille, une petite épreuve comme celle-ci lui semblait moins risquée que celle consistant à affronter un ogre. La fée donna le départ, Yasmine fonça à toutes jambes, contournant la colline par le sud. Elle sentait ses poumons la brûler comme jamais. Et tandis que la fatigue la gagnait, elle vit soudain une vieille dame malmenée par des gnomes, des diablotins de la forêt. Elle avait ralenti, hésitant quelque peu à abandonner sa course, mais elle finit par bifurquer pour lui porter secours : elle se rua vers le groupe en gesticulant et en poussant le cri le plus menaçant dont elle était capable… mais trébucha et s’étala. Malgré sa chute, les gnomes prirent la fuite.
Après s’être relevée et assurée qu’ils étaient loin, notre aventurière se tourna vers la vieille dame. Elle l’aperçut un instant, mais un grand éclair blanc survint et l’éblouit : à la place de la vieille dame se trouvait maintenant la fée de la colline.

Fée « La course était une fausse épreuve. La vraie consistait à venir en aide à quelqu’un qui en avait besoin. Je te donne donc ce diadème qui permet de lire dans les pensées d’un interlocuteur par un simple regard. »

Yasmine « Merci… »

Yasmine rangea le diadème dans sa sacoche et repartit…

Elle marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit vers de nouvelles aventures.

Yasmine dort

Troisième aventure

Elle cheminait depuis le lever du soleil quand elle se retrouva soudain nez à nez avec un sphinx. C’était une créature dotée d’un corps de chat, d’une tête de femme et d’ailes d’oiseau. Il posait des énigmes aux voyageurs et les récompensait si ceux-ci trouvaient la bonne réponse. Le sphinx lui posa donc son énigme.

Sphinx « Quel animal marche à quatre pattes le matin, deux pattes le midi et trois pattes le soir ? »

Yasmine réfléchit et imagina une solution, mais elle n’était pas sûre de vouloir la proposer, car, lorsque l’on donnait une mauvaise réponse au sphinx, celui-ci devenait féroce et attaquait sans pitié celui qui s’était trompé. Elle allait abandonner quand elle se souvint qu’elle pouvait utiliser le diadème. Elle le mit sur sa tête, fixa le sphinx du regard qui resta de marbre devant l’attitude pourtant étrange de Yasmine ; il attendait une réponse. À la surprise de Yasmine, elle entendit les pensées de la créature qui résonnaient dans sa tête.

Sphinx « Ah ah, jamais elle ne devinera que c’est l’homme la réponse ! Il marche à quatre pattes étant bébé, puis sur deux jambes lorsqu’il grandit, et avec l’aide d’une canne une fois vieux. Héhé ! »
Yasmine et le Sphinx
Yasmine, confiante, lui donna la bonne réponse. Le sphinx, ébahi, fouilla dans ses plumes pour chercher l’objet magique qui la récompenserait : une bague d’invisibilité. Cet anneau permettait à la personne qui le portait de pouvoir se rendre invisible aux yeux de tous. Yasmine voulut remercier le Sphinx, mais celui-ci s’envolait déjà vers d’autres voyageurs à défier, alors…

Yasmine marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit vers de nouvelles aventures.

Quatrième aventure

Dès son réveil, elle se rendit compte que l’arbre dans lequel elle avait dormi cette fois-ci était le dernier avant des heures de marche. En effet, le chemin qu’elle suivait jusqu’à présent serpentait plus loin dans une plaine rocheuse où les seules traces de végétation étaient de tristes arbres carbonisés. Le lieu paraissait hostile : on avait comme l’impression qu’un incendie avait récemment ravagé la plaine de ses flammes ardentes.
Alors qu’elle avançait désormais prudemment, elle entendit un rugissement qui lui glaça le sang. Elle plongea une main tremblante dans sa poche, sortit la bague d’invisibilité et l’enfila précipitamment. Elle venait à peine de terminer son geste qu’une ombre gigantesque la survola. Elle sentit une bourrasque de vent faire voler ses cheveux, mais comme elle était invisible elle parvint à garder la tête froide. L’ombre gigantesque la dépassa et se posa tout près d’elle en faisant trembler le sol. Yasmine identifia alors la silhouette. On lui avait déjà parlé de ce monstre dans son village natal ; c’était un dragon gigantesque et sans pitié. Yasmine ne bougeait pas et essayait de contrôler sa respiration quand une voix résonna soudainement !

Dragon « Bonjour inconnue, même si tu es invisible je te sens, je t’entends respirer. Je sens ton souffle. Où es-tu ? Où es-tu ?! Voyons, ne crains rien. Entre dans la lumière. »

Le dragon parlait… et savait qu’elle était là !

Yasmine survolée par une ombre
Dragon « Qu’es-tu venue faire ici ? »

Yasmine « Je voulais seulement contempler votre majesté. Pour voir si vous étiez vraiment aussi grand que le disent les récits. Je ne les croyais pas. »

Dragon « Eh bien tu peux l’apprécier par toi-même à présent. Mes crocs sont des épées. Mes griffes des lances. Mes ailes un ouragan ! »

Yasmine « Votre réputation vous précède, Ô ombre tyrannique ! En vérité, vous n’avez pas votre égal sur cette terre. »

Tandis qu’elle continuait ses flatteries, elle s’approchait du dragon pour mieux le contempler. Les dragons avaient des pouvoirs magiques très puissants et leurs écailles d’un mètre de long repoussaient tout ce qui les frappait ; lames, pointes et sortilèges ! Yasmine ne savait que faire, mais le dragon s’encensait maintenant lui-même et parlait seul. Il semblait qu’il avait oublié Yasmine, mais il s’adressa soudain à elle.

Dragon « Mais de toute façon tu vas périr petit être invisible, qui que tu sois, je n’autorise personne à se rendre dans mes terres, un trésor y est caché et je ne veux pas prendre le risque que tu le trouves. »

Yasmine « Mais je peux repartir par où je suis venue votre grandeur. Ainsi, votre trésor et moi-même serons saufs… »

Dragon « N’essaye pas de m’avoir petit être invisible, tu as la capacité d’être très discret donc même si je t’ai repéré cette fois, tu pourrais revenir et être plus chanceux. Mais comme je t’apprécie, je te donne le choix de mourir par mes griffes, par mes crocs ou par mes flammes. »

Yasmine « Laissez-moi y penser un instant… »

Yasmine essayait de gagner du temps quand elle vit la faille… une écaille qui était légèrement détachée, juste à la base de la queue. Elle élabora rapidement un plan dans sa tête. Puis, résignée, elle s’avança jusqu’au dragon, prit l’écaille à deux mains et tira de toutes ses forces. L’écaille céda et le dragon hurla de douleur. Yasmine courut alors aussi vite qu’elle pouvait en serrant l’écaille contre elle. Elle entendit le dragon prendre une grande inspiration dans un souffle rauque. Comprenant ce qui allait se passer, Yasmine se retourna, s’accroupit et se protégea derrière l’écaille. Le dragon souffla, et un torrent de feu jaillit des bords de l’écaille, mais derrière, Yasmine était protégée. Quand la tempête de feu fut passée, elle se remit debout et reprit sa course, son écaille serrée sur sa poitrine. Une fois suffisamment éloignée, elle se reposa et reprit sa respiration. Le dragon ne l’avait pas retrouvée. Elle prit alors le temps de contempler ce que personne n’avait jamais possédé : une écaille de dragon. Pourtant très grande, elle était très légère, et reflétait la lumière comme un miroir. Connaissant sa solidité et ses propriétés magiques Yasmine décida de l’utiliser désormais comme un bouclier. Elle trouva des plantes ligneuses et de la sève d’arbre et se fabriqua une poignée. Fière de son travail, elle mit ce nouveau bouclier sur son dos et se remit en chemin.

Yasmine se protège !
Elle marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit vers de nouvelles aventures.

Cinquième aventure

Elle arriva devant une grande plaine balayée par les vents, où l’herbe verte et grasse dansait au rythme des bourrasques. Plus loin, devant elle, d’énormes rochers gris se dressaient, comme s’ils étaient les gardiens de ce territoire. Elle avançait sur ses gardes, enfilant une nouvelle fois sa bague d’invisibilité, car ces rochers lui rappelaient une histoire qu’on racontait dans son village. Méduse, une des trois Gorgones, vivait dans un lieu ressemblant à celui-ci. Les Gorgones étaient des monstres à l’apparence humaine avec des serpents à la place des cheveux. Elles étaient trois dans le monde, mais Méduse était la seule à posséder un pouvoir spécial ; celui de pétrifier du regard, c’est-à-dire de transformer en pierre toute personne qu’elle regardait dans les yeux.
Et en effet, tandis qu’elle arrivait près des rochers, elle s’aperçut que certains représentaient des chevaliers comme figés dans une posture héroïque, l’épée brandie en l’air, comme prêts à frapper un ennemi qui n’était pas là. Yasmine marchait maintenant le plus silencieusement qu’elle pouvait, mais elle s’attendait tellement à voir Méduse surgir de nulle part qu’elle ne vit pas une branche sèche, qui craqua bruyamment lorsqu’elle mit le pied dessus.

Méduse « Qui est là ? »

Méduse apparue, les yeux jaunes brillant de son pouvoir pétrifiant. Yasmine se sentait en sécurité puisqu’elle était invisible.

Yasmine « Tu ne peux rien contre moi, je suis invisible et je peux même te pétrifier grâce à mon bouclier. »

Mais à son grand étonnement, Méduse se montra plus intriguée qu’apeurée.

Méduse « Mais qui es-tu ? Tu es venue pour me tuer comme tous les autres ? »

Yasmine « Oui, enfin… non… Je ne sais pas. Je pense que oui, car tu es un monstre et je suis Yasmine. Je suis une guerrière, donc je dois te tuer. »

Méduse « Pourquoi ? »

Yasmine « Je ne sais pas, c’est comme ça depuis toujours. Enfin… En fait, je t’avoue que je ne me suis pas posé la question… Parce que tu es une méchante, je dirais. »

Méduse « À cause de mon pouvoir ? Mais je n’y suis pour rien, tu sais. Je suis née comme ça. Quand j’étais enfant déjà les gens dont je croisais le regard devenaient tristes et plus faibles. Ils mettaient des jours à retrouver leur énergie. En grandissant, mon pouvoir s’est renforcé et je me suis fait chasser de ma communauté. Je suis alors venue vivre seule ici loin de tous, mais des hommes qui voulaient prouver leur bravoure tentèrent de m’anéantir. Tous périrent, pétrifiés, car il leur était impossible d’occire quelqu’un qu’ils ne voyaient pas. »

Yasmine « Mais je te vois, moi. »

Méduse « Oui, dit Méduse, et tu es d’ailleurs la première personne à qui je parle depuis des années. »

Yasmine « Hum… N’y a-t-il pas un moyen de t’aider ? Si je te donnais ma bague et que tu devenais invisible, comme il serait impossible de « croiser ton regard » peut-être que ton pouvoir serait neutralisé ? »

Méduse « Probablement, mais tu perdrais toi-même un formidable pouvoir, celui d’être invisible… »

Yasmine « … et en plus je serai à ta merci ! Mais cela vaut le coup d’essayer. Quand tu l’auras enfilée, vérifie en te regardant dans mon bouclier, mais attention, si ton pouvoir n’est pas neutralisé, tu te transformeras toi-même en pierre. »

Yasmine ferma les yeux, enleva sa bague, la tendit devant elle. Elle sentit Méduse la saisir puis elle attendit un peu.

Le don
Méduse « Tu peux ouvrir les yeux Yasmine… »

Yasmine ouvrit les yeux, ne vit rien et ne fut pas non plus changée en pierre.

Yasmine « Ça fonctionne ! »

Méduse « Merci beaucoup ! Je peux la garder ? »

Yasmine accepta sans hésiter, puis elles se dirent au revoir. En s’éloignant, Yasmine songea qu’elle avait beaucoup moins qu’avant la volonté d’être une « guerrière », mais qu’elle ne s’en sentait pas moins forte pour autant. Elle avait beaucoup appris durant ses aventures et elle sentait qu’elle ne voulait pas s’en arrêter là…
Elle marcha longtemps, mais quand la nuit tomba, elle trouva un arbre au bord du chemin. Elle y grimpa, et s’endormit à sa cime. Le lendemain, elle s’éveilla et repartit vers de nouvelles aventures.

Sixième aventure

Elle parcourut encore de nombreux pays, affrontant toute sorte d’épreuves plus difficiles les unes que les autres. Aux détours des chemins, elle croisa de nombreux guerriers qui furent surpris de ses exploits et certains, trop fiers, pensaient d’un air dédaigneux que ce n’était qu’une fillette qui avait eu de la chance. Elle encouragea également des jeunes filles qu’elle rencontrait à choisir leur voie : de la même manière qu’elle avait voulu devenir guerrière, certaines voulaient devenir tanneuse, bijoutière ou forgeronne ou tout autre métier, alors que leurs parents les destinaient à devenir paysannes. Tout comme ceux de Yasmine, lorsqu’elle n’était pas encore aventurière.

La renommée de Yasmine grandissant de jour en jour, le roi le plus puissant de cette époque la fit appeler pour une audience en tête à tête dans la salle du trône. Jusqu’à ce jour, très peu de femmes avaient vécu des aventures telles que celles qu’avait vécues Yasmine. Mais les choses allaient changer : le roi voulut accorder à Yasmine à titre d’exception le rang de chevalier. C’était un titre honorifique qui offrait une reconnaissance à ceux qui avaient agi avec bravoure. C’était pour lui l’occasion de renforcer son image en montrant à son peuple qu’il avait pris part aux exploits de la jeune aventurière. Mais Yasmine ne consentit pas aussi facilement. Ne voulant pas être un simple trophée, elle accepta à la condition qu’il s’engage à ouvrir ce droit à d’autres femmes qu’elle. Le roi accepta et elle devint la première chevalière du royaume. Elle accompagna de nombreux aventuriers et aventurières en leur montrant que tous les monstres n’étaient pas sanguinaires et que certains comme Méduse n’étaient en fait pas méchants, mais juste différents et incompris.

Yasmine finit alors sa vie dans un petit village, celui où vivait Méduse, car elles étaient devenues amies avec le temps. Elle passait son temps à cultiver la terre la journée, mais le soir venu, elle racontait toutes ses aventures aux gens du village. Ceux-ci, comme vous maintenant, l’écoutaient avec enthousiasme parler de dragons et de gobelins avant de s’endormir paisiblement en pensant qu’ils n’avaient rien à craindre, car Yasmine veillait sur eux…

Une belle histoire

Ouverture

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  Dessins de Romane